mardi 23 septembre 2008

Alé di partou débat

Littérature francophone (Madagascar) : Rencontre et débats...

L'ARCC présente son Couleur Saphir N° 120

Rencontre et débats avec l'écrivain Jean-Luc Raharimanana
Animée par André Robèr et Stéphane Hoarau
Animation musicale : Tao Ravao


Pour cette rentrée 2008, dans le cadre de son Couleur Saphir n° 120, l'Association Réunionnaise Communication et Culture (ARCC) vous invite à rencontrer dans ses nouveaux locaux l'écrivain et poète malgache Jean-Luc Raharimanana : né à Antanarivo en 1967, il réside dans la Grande Île jusqu'à l'âge de 22 ans, où il obtient une licence de Lettres. Après quelques expériences théâtrales contrariées par des (dés)ordres politiques, il quitte Madagascar pour s'installer en France où il devient enseignant. Prix Jean-Joseph Rabearivelo de poésie en 1987, et également Grand Prix Littéraire de Madagascar en 1998 pour son recueil de nouvelles Rêves sous le linceul, Raharimanana n'a eu de cesse de creuser les mémoires tout en croisant des langues. Ecrivant à la fois en malgache et en français, il revisite depuis plusieurs années, de manière pertinente et percutante, des pans silencieux de l'histoire malgache. Lors de cette rencontre portant tant sur son œuvre que sur son engagement, il sera question de cela : briser les silences, creuser les mémoires, déterrer les fantômes du passé, comme pour renvoyer les échos du hiatus politique et historique qui ont déchiré cette île de l'océan Indien…

> Informations pratiques :
Mercredi 8 octobre 2008 à 19 h
Association Réunionnaise Communication et Culture
162 bis rue Pelleport 75020 - Paris (Plan)
Métro : Télégraphe (Ligne 11) / Bus : ligne 60 (arrêt Borrego)

La rencontre sera suivie d'un cocktail

> Pour plus d'informations sur Raharimanana (portrait et bibliographie), se rendre sur le site d'Île en île.

mardi 16 septembre 2008

André ROBèR et le pays natal

André ROBèR et le pays natal

Entretien Stephane Hoarau / André Robèr deux jours après le décé d'Aimé Césaire pour le site Mondes Francophones

Ce 17 avril 2008, « debout dans le vent », Aimé Césaire s’ancrait une fois encore au pays natal. Son œuvre, forte et percutante, n’a pas attendu ce jour pour s’amarrer à d’autres rives, au-delà de celles des Antilles, à travers le Monde. Dans l’océan Indien (comme partout ailleurs), nous savons quelle influence elle a eue. Et, notamment, je pense aux « Italiques » du poète mauricien Édouard Maunick :

« … je te parle ici
au nom de ton pays et du mien
aux confins mascareignes
en notre nom qui est celui de tous
celui des îles soudain
archipel-ultime-continent
Une voix qui réclame qu'on l'écoute
Et qui n’accepte pas d’être raisonnable » (1)

Je pense également aux carnets du poète réunionnais André Robèr, et à ce titre expressif qui renvoie indéniablement à l’œuvre de Césaire : de quel « pays natal » nous parle André Robèr ? Où fait-il retour ? À La Réunion, du côté de sa Plaine des palmistes natale, ou alors du côté de la rue Paille, dans une autre « île de France » (peut-être s’agit-il d’un même lieu…) ? Pour avoir une réponse à ces interrogations, je me suis rendu dans son atelier, à Romainville, en région parisienne, afin de lui poser quelques questions… Voici donc cet entretien. André Robèr y rappelle, étrangement, qu’il n’a pas lu le cahier d’Aimé Césaire. Peu importe : peu importe de savoir s’il l’a lu ou pas, puisqu’en définitive, ce qui importe, c’est que, en faisant cet aveu, il affirme (et confirme même) que l’œuvre césairienne a déjà voyagé, a déjà été entendue, et en quelque sorte, est déjà mythique…

***

Stéphane HOARAU (S.H.)
Bonjour André Robèr. Hasard du calendrier – triste hasard du calendrier… – aujourd’hui même ont lieu à Paris, et sans nul doute partout à travers le monde, des hommages à Aimé Césaire, décédé il y a deux jours de cela, le 17 avril 2008. C’est donc d’Aimé Césaire dont je voulais que nous parlions, et plus précisément je voudrais que tu me parles un peu de ta lecture de son mémorable Cahier d’un retour au pays natal (2). En 1998, tu « entrais en littérature » avec un recueil qui s’intitulait Lékritir lot koté la mèr (3). Ce recueil sera repris quelques années plus tard, en 2002, dans tes Carnets de retour au pays natal (4), dont on devine aisément à quel ouvrage fait référence le titre : au Cahier d’Aimé Césaire. Peux-tu me dire quelques mots à ce sujet ?

André ROBER (A.R.)

C’est toujours difficile lorsqu’on est autodidacte, parce que je le suis et je revendique cet état, de parler de son écriture, de sa création. Parce qu’on n’a pas toutes les armes… On ne maîtrise pas toutes les techniques de quelqu’un qui a suivi un cursus « normal ». L’analyse du rapport de l’autodidacte (par l’autodidacte) est bien compliquée. Parce que, si je prends mon cas, j’ai écouté, j’ai observé, je prenais les bribes qui m’intéressaient comme ça, par-ci par-là, que ce soit en politique ou que ce soit dans le domaine de la création. Et il me manque en fait des pans entiers que la vie qui me reste ne suffira plus à rattraper…
Je suis « entré dans l’écriture » un peu malgré moi. Je lisais très peu… Jusqu’en 1974, je n’ai quasiment pas lu en français. En 1974, j’arrive en France, j’ai à peine vingt ans. Et on ne peut pas dire qu’à ce moment je lisais le français. Hormis de savoir qu’un assemblage de lettres pouvait faire un paquet de mots, et qu’un paquet de mots faisait une phrase, je ne savais pas grand-chose. Cette « connaissance » ne signifiait pas pour autant que je pouvais comprendre le français. Et j’imagine : c’était le cas d’un certain nombre de mes compatriotes réunionnais qui étaient expatriés ici, à ce moment-là. Notre rapport à la langue était difficile. Moi, c’est en France, dans des bandes dessinées, que j’ai d’abord appris à lire. Tout cela est très loin de la poésie ! En somme, jusqu’en 1981, je n’ai lu pratiquement que de la bande dessinée.
J’étais alors au PSU [Parti Socialiste Unifié], et la maison d’édition du PSU, qui s’appelait Syros (Syros existe toujours, mais n’a plus, bien sûr, la même coloration politique…) proposait également des textes théoriques. J’achetais tous les livres qui sortaient, parce qu’il fallait les acheter. Je les avais à la maison, mais je ne les lisais pas, parce qu’ils étaient incompréhensibles pour moi… J’avais la chance d’être à l’époque à la commission nationale du PSU et d’être responsable des « Dom Tom ». Ce qui faisait que, de toute façon, j’avais une connaissance des mouvements indépendantistes, qu’ils soient réunionnais ou antillais. Ce qui me permettait au moins d’entendre parler des grands libérateurs en devenir, « des grands hommes », que ce soit Frantz Fanon, ou que ce soit Aimé Césaire. C’est là que, pour la première fois, j’ai entendu parler d’Aimé Césaire. Ce n’est pas du tout dans les associations d’immigrés A.G.R [Antilles-Gyuane-Réunion], mais c’est bien au PSU, au sein de mon école libertaire en fait, que j’ai appris à le connaître. Par la suite, j’ai failli le rencontrer, en 1980, lorsque je me suis rendu aux Antilles avec Huguette Bouchardeau pour la campagne présidentielle [de 1981]. Mais je n’ai rencontré que le maire de Fort-de-France à l’époque, parce qu’Aimé Césaire n’était pas, ce jour-là, en Martinique. J’ai rencontré d’autres hommes importants en Martinique, mais pas Aimé Césaire. Alors, après, tout cela est resté une énigme pour moi : toute une classe d’intellectuels A.G.R se revendiquait de ce Cahier. Je me disais donc que, hof), ça devait être quelque chose d’important. Et j’ai repoussé la lecture à plus loin.
À ce jour, je ne l’ai toujours pas lu. Honte à moi. J’ai juste entendu une lecture, une fois. J’ai entendu une lecture, paradoxalement, le jour où j’intervenais… La première fois que j’ai entendu une lecture, ça devait à Port de Bouc. C’était dans cette zone-là, où Carpanin Marimoutou m’avait envoyé intervenir dans une soirée. C’était à une soirée portant sur le créole, à l’occasion d’une semaine créole en octobre (La Journée Internationale du Créole). Je ne sais plus quand exactement, ça devait être il y a sept ou huit ans. Et il y avait une lecture ce soir-là. Je l’ai donc entendu pour la première fois. Voilà ce qui me rapproche de Césaire. Voilà comment je connais Césaire. À chaque fois j’ai hésité à acheter ses œuvres complètes, etc. Mais maintenant qu’il est décédé, il va falloir que je m’y mette, parce que, à chaque fois, vu le titre des Carnets, on ne manque pas de me faire remarquer le clin d’œil. J’esquivais toujours les questions, et je disais « oui, oui, oui ». Sans plus. Voilà.
Après, certains se sont hasardés à lire les deux pour faire des comparaisons. Évidemment, moi je n’ai pas les moyens de comparer puisque je ne l’ai pas lu. Et puis, tout cela a été écrit à des époques différentes. Je dis d’ailleurs dans les Carnets d’un retour au pays natal que je n’écris pas comme Césaire, ni comme Saint John Perse – je n’ai jamais lu Saint John Perse non plus :

« j’écris
simplement comme je peux
je ne suis
ni Césaire
ni Senghor
ni Perse
le retour au pays natal pèse
ke de chemin parcouru
étrangeté du pays
qui succombe »

(Carnets, p. 16)

C’est donc le rapport d’un autodidacte à l’écriture. C’est ce rapport qui a provoqué chez moi des soubresauts. La poésie… Je ne suis pas entré par le classique dans la poésie. J’y suis entré par l’avant-garde. J’étais en contact avec la poésie essentiellement par les avant-gardes poétiques que j’ai rencontrées à Radio Libertaire, dans le mouvement anarchiste. C’est peut-être pour ça aussi que Carnets de retour au pays natal est écrit de cette manière : des choses petites, renfermées. J’ai toujours trouvé ennuyeuses certaines poésies qui sont très descriptives, qui sont très larmoyantes, etc. Parce que ce n’est pas évident, je trouve, d’écrire. Laisser la place à l’imagination du lecteur, c’est bien plus important. Donc, tout ça était très long et complexe… Et en plus je suis devenu un éditeur. Je ne pense pas que j’aurais écrit si je n’étais pas devenu éditeur.

S.H.
Tes Carnets (au pluriel), font donc bien référence au Cahier (au singulier) d’Aimé Césaire. Tu dis ne pas avoir lu le Cahier d’Aimé Césaire. Tu serais donc parti d’un imaginaire, d’une idée, de ce qu’on t’avait dit au sujet de ce Cahier… Pour toi, quelle était cette idée ? Quel était cet imaginaire que tu as voulu reprendre dans tes Carnets ?

A.R.
Il n’y a pas eu de volonté précise parce que j’ai vite compris que le Cahier était une pièce maîtresse de la littérature noire, de la littérature progressiste. Me situant dans ce « camp », il était évident pour moi qu’il fallait faire des choses fortes. Et, étant moi-même militant politique, au lieu de m’assagir au niveau de mes idées, j’ai fait plutôt le contraire. C'est-à-dire, pour aller vite, au lieu d’être d’extrême gauche et de finir au PS, j’ai fait le contraire : j’étais au PSU et je suis aujourd’hui à la Fédération Anarchiste. Voilà. Et puis, je n’ai aucunement la prétention de finir maire de la Plaine des Palmistes. Ça, ça m’éloigne d’Aimé Césaire… mais la politique me rapproche de lui. C'est-à-dire que la chose politique m’intéresse. Il est devenu maire de Fort-de-France, moi je suis devenu éditeur. C’est quand même moi qui, malheureusement, édite le plus de créole réunionnais. Cette comparaison-là, éventuellement, je l’accepte. Pour ce qui est de l’écriture, je ne peux pas…
Ah l’idée ! L’idée : je m’imaginais que c’était de la lutte parce qu’Aimé Césaire était un poète de souffrance. Une colonie n’est faite que de souffrance et de domestication. Moi je n’étais pas dans la peau d’un noir, mais j’étais quand même dans la peau d’un yab (5). Et on ne peut pas dire que la vie d’un yab était plus reluisante que celle d’un coupeur de cannes noir, cafre (6), qui se trouve sur la côte. Je veux dire que la vie de mes parents était comparable, de mon point de vue, à celle d’un certain nombre de noirs d’en bas. J’étais du côté des opprimés, mais je n’étais pas dans le camp cultivé. Ce qui était le cas d’Aimé Césaire. J’avais donc ce handicap (que j’ai encore aujourd’hui).

S.H.
Malgré le fait que tu dis ne pas avoir lu le texte de Césaire, on trouve des points de convergences entre ton texte et le sien. J’ai lu le Cahier et les Carnets, et j’ai voulu les comparer. Notamment, parmi ces points de convergences, il y a celui du « projet littéraire ». Premièrement, il semble s’agir pour tous les deux de retrouver le rythme et la mesure de l’océan, par opposition à celui et à celle du continent. Deuxièmement, Césaire avait pour projet de « tuer le maître » pour parvenir à renaître dans sa propre histoire, et ainsi reprendre possession de sa propre langue. Est-ce que tu inscris ton texte dans ces perspectives ?

A.R.
À l’époque, il n’y avait pas forcément tout ça. Il y avait peut-être pour moi : « tu es le maître ». « Tu es le maître », symboliquement, parce que ça signifiait devenir quelqu’un, exister en tant que tel et devenir un homme libre. En somme, essayer d’être anarchiste (an-archiste). Là-dessus, il n’y a aucun souci. C’est de cela qu’il s’agit : montrer que j’existe, mais montrer que j’existe avec ce que j’ai, à l’instant « T » : « voilà ce que je suis capable de dire, voilà ce que je suis capable de critiquer, voilà ce que je suis capable de faire ». Évidemment, si je devais le réécrire, je ne l’écrirais pas comme ça. Mais tout est là. En même temps, le problème de l’écriture, c’est ça… Et quand ça a été publié, c’était que… c’était cet instantané-là à un moment donné. En plus, il y a eu du tri, c’est pour ça que ça s’écrit Carnets avec un « s ». Il y a eu du tri. Je n’ai gardé que ce que j’estimais à peu près correct à publier, dans des domaines variés. Peut-être qu’il y a des fonds de tiroirs qui vont réapparaître dans d’autres… et qui seront retravaillés par la suite.
C’est toujours ça : « tu es le maître ». « Tu es le maître » en politique comme en écriture. C'est-à-dire qu’il s’agit de ne pas se donner de contraintes. Et ça, c’est l’avant-garde qui me l’a appris. Ce n’est pas que le monde politique. Et puis, à ce moment-là, j’étais déjà éditeur. C’était un affranchissement. C'est-à-dire que, en même temps, je leur dis « merde » : je dis « merde » au pouvoir : si j’ai besoin de publier, je n’ai pas besoin de me mettre à genoux et de demander « ce que ça vaut ». Il n’y a plus ça, il n’y a plus ce… C’est peut-être la pièce maîtresse qui m’a fait comprendre ça, c'est-à-dire que je n’ai plus besoin d’avis extérieurs. L’affranchissement… Quand j’estimerai que quelque chose sera bon, à partir de ce moment-là, je l’éditerai… Pour les Carnets de retour au pays natal, j’avais demandé l’avis à des gens qui me semblaient experts en la matière (qui me semblent toujours experts), pour savoir si c’était publiable ou pas. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je ne demande plus l’avis. Les choses ont évolué.

S.H.
Autre point de comparaison, enfin, de convergence, qui cette fois est aussi un point de divergence : Aimé Césaire a écrit ce texte en Europe, mais son « retour au pays natal », il l’a fait par la suite. Il est allé s’installer en Martinique où il s’est engagé dans la vie politique, sociale, culturelle ; comme tu l’as dit, il est entre autres devenu maire de Fort-de-France. Toi tu as écrit un « retour au pays natal », pourtant, visiblement, tu n’as jamais souhaité rentrer « au pays », et d’ailleurs tu n’y résides toujours pas. On est à Paris en ce moment, chez toi à Romainville.
Est-ce que tu peux me parler de ce rapport à l’île et du fait que tu sembles vouloir (ou pouvoir) ne t’inscrire que dans une perspective de retour imaginaire ? Et non pas, donc, dans la perspective d’un retour effectif, réel ?

A.R.
L’imaginaire est sûrement intense puisque c’est de la France que je publie le créole, et que je publie, malheureusement, comme je le disais tout à l’heure, tous les textes créoles, anciens ou nouveaux (« malheureusement », puisque personne d’autre ne veut s’essayer à cet exercice). Le rapport il est là. Le rapport il est là, parce qu’il est, pour moi, plus simple de défendre ma culture d’ici que de là-bas. Parce que je ne pourrais pas me plonger dans la quotidienneté violente, édifiante de soumission, qu’il y a encore à La Réunion. Et très vite, je pense que ça dériverait… J’aurais du mal à supporter. L’homme, pour moi, est capable, normalement, de se gérer lui-même. Il me semble que mes concitoyens sont loin de là. Aller manifester pour le juste combat de « Valérie B. » (7), quand je vois ça, ça me donne plutôt envie de pleurer que de rire. C’est désespérant. Ensuite, le retour… Le retour, il s’est fait parce que c’est quelqu’un qui m’a demandé d’aller exposer. C’est Carpanin Marimoutou qui me dit, lorsqu’il découvre mon atelier : « il faut, et je vais te faire exposer à la Réunion ».
Je fais venir Carpanin Marimoutou à Marseille. Il découvre mon atelier. Il découvre ma peinture et il me dit : « il faut que tu exposes à La Réunion ». Moi en fait, je n’avais plus rien à en cirer. J’étais là, j’existais. Intellectuellement, ça allait. Et il me dit « il faut que tu viennes montrer ton travail à La Réunion », etc. Moi je n’y ai jamais cru, et puis finalement ça s’est fait. C’était en 1996. C’est à partir de ce moment-là qu’une réflexion commence. Mais cette réflexion est nourrie par ce que je vois, durant les quelques aller-retour que je fais entre 1996 et 2000, jusqu’à la mort de ma mère. En même temps, ça s’accompagne aussi d’autres voyages, d’expositions, à Naples ou ailleurs. Je vis alors des choses un peu particulières. Il y a des petites choses qui disent : « si j’étais resté là-bas », « si j’étais machin », etc. Il y a des choses qui travaillent : qu’est-ce qu’on peut faire ? Comment traduire ce retour au pays ? Comment, à un moment donné, traduire effectivement qu’il y a quelque chose qu’on a acquis, et qu’on ne peut pas oublier ? Qu’on est de là ? Et comment redonner à son pays natal ce qu’on est ? Maintenant, je « donne » tous les textes que, moi, je n’ai pas pu lire. Je donne à lire parce que je n’ai pas eu la chance de lire. C’est ça mon retour.

S.H.

Tu viens de parler de traduction. Comment traduire le retour au pays ? La traduction suppose la présence d’au moins deux langues… Je voudrais lire un extrait de l’un de tes Carnets :

« lé dos lé dos dalon aswar lavion
isava pari té i mont ek li
mi mont dan son gro vant pou fé konm kan moin lété
zoumine oté »

(Carnets, p. 47)

Je n’ai jamais vraiment réussi à saisir s’il s’agit là, dans ce passage précisément, du moment du départ ou bien de celui du retour…

A.R.

C’est peut-être les deux, parce que le problème de l’exil, ce n’est pas… On ne sait plus où l’on est. Peut-être qu’à l’époque je savais où j’étais, mais maintenant, il y a une complexité qui s’ajoute. Je vais habiter dans un bled qui s’appelle Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales). Il suffit d’enlever un « l » et c’est « île ». C’est complexe pour moi. Je veux dire par là que le chemin il n’est jamais simple. Je ne sais pas si c’est un retour, dans la mesure où… Mais peut-être que la solution est là, dans ce que tu disais tout à l’heure, c'est-à-dire que… Ce qu’a fait Césaire, c'est un peu ça, puisqu’il a écrit pour pouvoir aller là-bas ; moi j’ai écrit pour lutter ici, tout en étant là-bas. C’est peut-être plus simple dans un sens, et plus compliqué dans un autre. Je veux dire que dans les deux, c’est une espèce de chose très difficile à comprendre pour moi.

S.H.
Pour conclure, je voudrais laisser le mot de la fin à Aimé Césaire, et te demander quelque chose… Je vais te tendre ce livre, et te demander si tu voudrais bien lire un passage du Cahier ?

A.R.
Je peux toujours essayer :

« Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l’Europe nous a pendant des siècles gavé de mensonges et gonflé de pestilences,
car il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie
que nous n’avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde
qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde
mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer
et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins à sa faveur
et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force
et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixé notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. »
(Cahier, p. 57-58)

SILENCE

(1) Édouard J. Maunick, Toi Laminaire (Italiques pour Aimé Césaire), Océan Indien / CRI, Maurice / Réunion, 1990, p. 13.
(2) Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence Africaine, 1956 (1939).
(3) André Robèr, Lékritir lot koté la mèr, France, K’A, 1998.
(4) André Robèr, Carnets de retour au pays natal, France, K’A, 2002.
(5) Désigne une population blanche de petits cultivateurs des hauts de l’île de La Réunion, principalement originaire d’Europe (terme non péjoratif).
(6) Désigne dans l’île la population noire issue de l’esclavage, et principalement originaire d’Afrique et de Madagascar (terme non péjoratif).
(7) André Robèr fait référence aux polémiques qui ont suivi l’élection de Valérie Bègue, « Miss Réunion » devenue « Miss France 2008 ».



lundi 15 septembre 2008

Carnets de retour au pays natal, Cahier d’un retour au pays natal André Robèr a enfin lu Cahier d'un retoiur au pays natal d'Aimé césaire

Carnets de retour au pays natal,
Cahier d’un retour au pays natal


À force d’entendre de référence en référence mon texte « Carnets de retour au pays natal » comme une référence alors qu’à mes yeux ce n’était qu’un clin d’œil au « cahier d’un retour à pays natal » il fallait bien finir par le lire. Coincé par des nécessités militantes et un manque de moyen intellectuel pour le comprendre je ne l’ai jamais lu. Le propre de l’autodidacte étant d’apprendre quand il peut. Poussé par l’actualité de sa mort me voilà lors d’un passage à l’Harmattan l’heureux possesseur d’un cahier. La préface à l’édition Bordas d’André Breton attendra un jour de tramontane.
Et ce 10 sept.-08 je finis enfin la lecture d’un cahier d’un retour au pays natal. Le train a cette utilité quelques fois. Cet ouvrage transpire la nécessaire revendication de la négritude et le poids de l’histoire et de la souffrance du peuple nègre.
Il a une connaissance de son pays « natal » qui est érudite que je ne peux revendiquer à propos du mien même à ce jour. Il n’évoque pas l’exil et les souffrances qui y sont liés.
Sa maîtrise du Français est étonnante. Jamais il ne rejette le colonialisme comme fait. Tout reste poétique. Aucun mot sur une langue qui serait autre que le français et qui souffrirait d’un sous-statut, peut-être que le créole martiniquais n’existait pas encore en 1939 (provocation). Baigné ensuite dans la sacro-sainte départementalisation, il ne sera guère plus prolixe sur le sujet Aimé Césaire. Cahier d’un retour au pays natal est la naissance d’une écriture d’un sage qui maîtrise le langage des maîtres pouvant même les épater quelques fois.
Il (le cahier) est moins marqué politiquement
Césaire avait 25ans sa vie de militant politique était devant lui, il était arrivé à l’écriture grâce à l’école de la république.
Moi j’en avais 47 ans et une partie de ma vie militante derrière moi et je suis arrivé à l’écriture grâce ou parce que je me suis devenu éditeur.

Enfin je pourrai rentrer dans des comparaisons.
Elle a sonné
Mieux vaut tard que jamais.

Longtemps j’ai observé ce monde étrange
Longtemps j’ai cru ce monde étrange
J’ai même cru que ma place était là
J’ai même cru ne pas avoir de place
J’ai observé ces balais étranges comme des corps étrangers
J’ai observé avec de la rage quelques fois des balais étranges
Que de mondes étranges à observer
Mon monde étrange à partager

Longtemps j’ai observé les murs comme des manuscrits
Longtemps j’ai observé la peau des murs
Comme des instants magiques
Comme des instants tragiques
Des histoires s’inscrivent malgré elles
Des histoires s’inscrivent malgré tout
Que de mondes étranges à observer
Mon monde étrange à partager

Ce moment étrange qui nous fait admettre
Que tout compte fait
On a grandi
Tel était notre souhait
Et encore
Que de mondes étranges à observer
Mon monde étrange à partager

Moi aussi
Moi oh si…


De

Croire

Encore un instant

Pesant sans doute


Le doute n’est guère mesurable
Mais douter c’est penser déjà
C’est pas si mal

mercredi 3 septembre 2008

Un espace pour regarder le monde, in landroi pou louk la domounité


Une fenêtre, c'est déjà le début du rêve.
On ne m'avais pas encore volé mes rêves bien que limité par les brouillards.

La kaz lao la plinn


Sur le coté gauche, donc sur l'arrière la cuisine est encore présente complètement rouillée j'en ai passé du temps prés du farfar à essayer de se réchauffer.

Mon kaz lé ankor dobout


La kaz lo dernié tras la plinn lao dann péi la fré i atann amoin avan mi rokoz in pé dosi ousa mi sort.

Ala mi rodonn in not

Badge Facebook

Pwu kosa nou lé la, Pourquoi un blog

Pou kozé, pou alé pli vit. Pou bann dalon i kas la blag dosi mon travay épisa dosi sak mwin lantrinfé.
Pour parler pour échanger plus vite. Pour que mes amis échanges sur mon ravail et sur ce que je fais.
Sak i koné pa mon sit i gingn trap ali la
Ceux qui ne connaissent pas l'adresse de mon site peuvent le trouver la
http://www.a-rober.com/
Sak i koné pa ladres zédisionka alalila
http://www.editionska.com//

Bibliographie de André Robèr

Fonnkèrs

Fonnkèrs pou lo zié

Ouvrages collectifs, revues

Etude sur les écritures d'André Robèr / Entretien

Lectures indiaocéanes Essais sur les francophonies de l'Océan Indien Daniel Henry Pageaux Librairie d'Amérique et Orient Jean Maisonneuve Paris 2016 ISBN 978-2-7200-1214-3 Pages 314 à 318

Mange Monde N°10 Cordes sur Ciel 2016 Editions Rafael de Surtis (ISBN 978-284672-398-5) Entretien Pages 65 à 81

Enregistrements audio

  • Le Grand os no 1" CD audio inclus Edith Azam André Robèr
  • Tout domoune isi lé kréol " CD audio André Robèr collection Poèt Larénion no 14 DCC28 Improvisations musicales "Cathy Heyden"

Participations festivals de poésies

  1. Urgence Poésie #2 juillet 2016 Lodève https://poetpsy.wordpress.com/2016/07/01/urgence-poesie-lodeve/
  2. 4a festival de otono de poesia y del libro Grenada Spain
  3. Kabar pou Alain Lorraine Théâtre les Bambous Saint Benoît 3 octobre 2015
  4. Kabar K'A pour les quinze ans des éditions K'A Théâtre les Bambous Saint Benoît octobre 2014
  5. Festival de la parole poétique Quimperlé mars 2014
  6. Poésie Marseille octobre 2012
  7. Festival Perforeilles Théâtre le hangar Toulouse 2011
  8. 3 décembre 2010 Kabar K'A Théâtre du grand marché St Denis Réunion
  9. 18 mai 2009 Lecture pour la MCUR "Kréyol factory"
  10. 10 octobre 2009 kabardock le port Réunion Kabar K'A pour les dix ans des éditions K'A
  11. 18 juin 2008 Jazz au zèbre Paris (performance avec Hélène Breschand et Thierry Balasse)
  12. Janvier 2006 Cave poésie Toulouse
  13. Juillet 2005 Festival de Lodève
  14. Octobre 2004 Maison des provinces de France (cité universitaire) Paris
  15. VAC Ventabren Art Contemporain Plusieurs lectures
  16. 2004 kabar K'a ARCC Paris
  17. Café Julien Marseille 27 mai 1998 kabar poèm
  18. 17 mai 1997 Poésies et frontières (Menton)
  19. Juillet 1998 Poétiks de Manosque
  20. 25 octobre 1996 Aspect de la poésie réunionnaise CIPM Marseille

Participations expositions de poésies visuelles

2015 2 ème Biennale de poésie visuelle Galerie (13) TREIZE Ille sur Têt France

2015 1ère biennale de poésie visuelle in Mato Grosso do sul Brazil http://www.flims.org.br/miragens.html

2014 Exposition de poèmes visuels Festival de la parole poétique Clohars Carnoet France

2013 1 ère Biennale de poésie visuelle Galerie (13) TREIZE Ille sur Têt France

2009 Kréyol Faktory La villette Paris

2003 VAC Ventabren Art Contemporain Ventabren France

2002 Biennale poésie visuelle France Japon Galerie Oculus Japon

2002 Ecole des Beaux arts La Réunion

2002 Karo kozman Art sénik La Réunion

Catalogues peintures, dessins

Livres d'artistes